Nous tenons d'abord à vous remercier d'avoir pris le temps de répondre à notre questionnaire. Sans vous nous n'aurions pas pu concrétiser notre travail et vous en présenter les résultats.
Nous avons choisi ce thème puisqu'il nous a semblé à toutes les deux que la consommation d'alcool a augmenté et que les jeunes boivent de plus en plus tôt. Nous avons voulu savoir si vous étiez du même avis ou si nous n'avions que des préjugés. L'alcool, quoiqu'un sujet plus abordé aujourd'hui, représente tout de même un certain tabou. C'est peut-être ce qui explique le peu de ressources sociologiques que nous avons trouvées. Face aux préjugés qui entourent l'alcool, nous avons voulu savoir quelle place il occupe réellement dans la vie des individus. En premier lieu, nous allons dresser une vision générale de la population que vous nous avez permis de constituer. Nous verrons ensuite que certains a priori sur la place occupée par l'alcool aujourd'hui peuvent être confirmés selon notre échantillon.
La population est davantage féminine puisqu'elle compte 58,5% de femmes contre 41,5% d'hommes, soit 72 femmes sur l'ensemble de l'échantillon.
En ce qui concerne la structure de cette population, les étudiants sont en surreprésentation. En effet, ils représentent plus de la moitié de l'échantillon, soit 57,7%. La part des actifs est de 28,5%. 7,3% des enquêtés sont sans emploi et 6,5% regroupent les personnes suivant une formation, les chômeurs et les retraités.
Par conséquent, il est aisé de comprendre le fait que 63,8% des enquêtés soient célibataires et 21,1% en concubinage.
En conclusion, nous pouvons dire que la population est composée essentiellement de jeunes, d'étudiants et de célibataires. Pour justifier ce constat, nous pouvons supposer que la catégorie des jeunes est celle qui utilise le plus Internet. De plus, cette période de la vie est propice à la découverte de l'alcool puisqu'elle correspond à une émancipation. L'entrée dans la vie étudiante marque également un nouveau mode de vie. En général, l'autonomie devient une nécessité et s'accompagne d'un besoin d'indépendance. Les étudiants vont alors développer un nouveau réseau d'amis au sein de leur établissement. Afin de s'intégrer, ils vont participer à des sorties dans lesquelles la consommation d'alcool pourrait favoriser leur sociabilité.
Tout d'abord, plongeons-nous directement dans le vif du sujet. 86,9% des enquêtés ont déclaré consommer de l'alcool. Nous avons remarqué que les femmes sont plus nombreuses à en consommer. Cela renforce un préjugé que nous avions, à savoir que l'alcool devient un sujet de moins en moins tabou. Les femmes le confirment en répondant à cette question. De là, nous pourrions supposer qu'à ce sujet un changement de moeurs a eu lieu. La libéralisation de la femme en est peut-être la raison. En effet, d'après Wilson et Otto dans La femme moderne et l'alcool, dès lors qu'elles ont commencé à travailler, elles deviennent indépendantes financièrement et peuvent ainsi se procurer elles-mêmes de l'alcool.
Ensuite, nous avons supposé que l'âge avait une influence sur la consommation d'alcool. En observant des jeunes autour de nous, nous avons toutes deux trouvé qu'ils commençaient à boire de l'alcool de plus en plus tôt. Pour justifier ce constat, nous avons croisé les résultats à la question portant sur l'âge du premier verre d'alcool bu avec l'âge des enquêtés.
Alors que 52,1% des enquêtés déclarent avoir bu leur premier verre d'alcool entre 15 et 18 ans, 69% des jeunes de moins de 18 ans déclarent l'avoir bu entre 11 et 14 ans. Il nous a donc semblé que nous étions face à un effet de génération. En effet, malgré les lois récentes comme par exemple l'interdiction de vente d'alcool aux moins de 16 ans, les jeunes en quête d'émancipation voient en ces lois un interdit à dépasser.
Toujours à partir de nos observations, nous avons pensé que l'alcool correspond à une période de la vie particulière : l'entrée dans l'âge adulte. Selon des spécialistes présents lors d'une émission sur France 2 L'objet du sandale et notamment un célèbre addictologue Lowenstein, pour devenir adulte il faut faire quelque chose qui n'est pas bon. L'expérimentation des jeunes à l'alcool semble donc être une façon de réussir cette épreuve pour certains d'entre eux. Pour justifier ce temps de l'alcool, nous avons croisé les réponses à la question sur la fréquence d'état d'ébriété au cours des douze derniers mois avec celles portant sur l'âge des enquêtés.
Nous pouvons remarquer qu'à partir de 22 ans, la consommation excessive d'alcool diminue. Parmi ceux qui n'ont pas été ivres au cours des douze derniers mois, nous pourrions penser que pour les plus de 22 ans ce temps de l'alcool s'est atténué voire même arrêté. En effet, les obligations familiales et professionnelles peuvent être à l'origine de ce changement. Plus largement, le fait d'avoir été ivre et de ne plus avoir été maître de ses mouvements peut effrayer les consommateurs et leur faire passer un cap, si bien qu'ils ne vont pas vouloir réitérer l'expérience.
Un dernier préjugé que nous avions est de penser qu'une part non négligeable des individus a détesté l'alcool avant d'en consommer finalement.
Nous avons supposé que les enquêtés ayant détestés l'alcool au préalable, consomment des premix. Ceux-ci étant des mélanges d'alcool et de boissons sucrées, le goût de l'alcool est estompé et c'est ainsi que 93% des enquêtés n'aimant pas l'alcool à la base en consomment. Néanmoins, les avis des enquêtés sur les premix sont mitigés : certains les aiment, certains les trouvent "imbuvables", d'autres pensent que ce sont des boissons trompeuses qui favorisent la familiarité avec l'alcool entrainant la consommation d'alcools plus forts voire purs.
La consommation de premix rejoint l'analyse précédente sur l'effet de génération puisqu'en croisant l'âge des enquêtés avec les réponses sur la consommation de premix nous avons pu constater que 60% des 19-21 ans consomment des premix. Afin de comprendre cette part importante, nous pourrions penser que ces jeunes adultes voient dans les premix une manière de s'intégrer dans un groupe et de "faire comme les autres" bien qu'ils n'aiment pas le goût de l'alcool pur. C'est peut-être également pour éviter de se sentir mal à l'aise.
D'après nos hypothèses précédentes, l'alcool semble être un moyen utilisé pour s'intégrer. Son pouvoir de désinhibition permet aux individus de se sentir plus à l'aise. Etant davantage considéré comme une pratique de sociabilité, il se consomme en sorties. D'ailleurs, ceux qui boivent le plus souvent de l'alcool sont également ceux qui sortent le plus. En effet, 60% des enquêtés qui consomment de l'alcool quotidiennement sont ceux qui sortent le plus fréquemment.
Parmi ceux consommant de l'alcool quotidiennement et régulièrement et sortant le plus, nous pouvons penser que la majorité serait des jeunes adultes. Or en croisant l'âge des enquêtés avec les réponses sur la fréquence des sorties, nous allons voir que ce préjugé est faux.
En effet, ce sont les enquêtés de plus de 38 ans qui sortent plus fréquemment : 44% des 38-60 ans sortent régulièrement. De ce fait, nous pouvons émettre l'hypothèse que ces enquêtés de cette tranche d'âge contribuent largement à la part de ceux qui consomment et sortent le plus souvent.
La place de l'alcool dans la vie des individus a évolué depuis quelques années. Chez les femmes, boire de l'alcool n'est plus un tabou grâce aux transformations politiques et sociales : l'alcool n'est plus une affaire d'hommes. Chez les jeunes, l'alcool symbolise un interdit qu'il faut franchir pour devenir un adulte. La transformation même de l'alcool qui auparavant se consommait davantage pur (vin, etc.) permet à ceux n'aimant pas le goût de l'alcool de suivre le phénomène. Les premix font débat chez certains enquêtés pour qui ces nouvelles boissons entraineraient une alcoolisation plus intensive. La désinhibitation provoquée par l'alcool semble être particulièrement recherchée par cette génération mais plus largement lors de cette période de la vie. En effet, la sociabilité devient nécessaire au moment de l'émancipation et la découverte de l'alcool s'assimile alors à un rite initiatique. Le besoin de sociabilité se retrouve aussi chez la quasi-totalité des enquêtés pour qui les sorties et en particulier le moment de l'apéritif est considéré comme un moment de convivialité.