INTRODUCTION
SUJET
La sociologie étant l’étude des relations, actions et représentations sociales par lesquelles se constituent les sociétés. Le corps a une dimension sociale car pour Guillaume Vallet, sociologue et économiste français, « l’existence est avant tout physique et le corps est ce qui relie un inpidu à son environnement social, donc aux autres. » Ainsi, cela signifie que les inpidus tentent de construire et d’adapter des caractéristiques et comportements corporels pour qu’ils soient en accord avec des caractéristiques et comportements sociaux attendus. Cette attente relève de la « conformité sociale ». Ainsi, le sujet du rapport au corps nous a semblé digne d’intérêt pour notre enquête quantitative. En effet, certains sociologues s'intéressent au corps comme Pierre Bourdieu, considéré comme l'un des plus grands sociologues de la seconde moitié du XXe siècle. Il utilise le terme d'Hexis Corporel pour expliquer que l’usage du corps, les postures et les rapports au corps incorporés tout au long du processus de socialisation deviennent inséparables des personnalités des inpidus et s’expriment inconsciemment. Ce terme désigne pour lui la composante essentielle des habitus inpiduels dans la manifestation des distinctions sociales. Pour lui les inpidus font un apprentissage par le corps pour que ce corps soit intégré dans des sphères sociales telles que la sphère professionnelle ou encore familiale. Plusieurs critères corporels semblent influencer nos comportements vis-à-vis des autres et de soi-même tels que l’âge, le genre ou encore la beauté, ayant un impact lors de la socialisation primaire et secondaire. De plus, le corps va évoluer au fil du temps, au sens où il va se transformer que ce soit en raison de la puberté, de la vieillesse, ou encore d’une pathologie. Les différentes spécificités de nos corps donnent aux inpidus des marqueurs d’identification propres à chacun pouvant influencer la manière dont on est intégrée à un groupe. Le corps est alors un critère d’intégration sociale.
HYPOTHÈSES
Pour étudier le sujet du rapport au corps que les inpidus ont de leurs corps et celui des autres, nous nous sommes questionnés sur deux hypothèses. Tout d'abord, nous voulions savoir si les pratiques d'entretiens que les inpidus ont, ou non, de leurs corps influencent la satisfaction de leurs relations, notamment dans les sphères professionnelles, amicales, amoureuses et vis-à-vis d'eux mêmes. Pour justifier sociologiquement cette hypothèse, Guillaume Vallet explique par exemple, dans « Corps et socialisation », publié en 2009, que dans le cadre d’une socialisation anticipatrice, certains hommes « surinvestissent » leurs corps afin de développer des signes extérieurs de virilité. Pour lui, cette stratégie serait mise en place pour attirer le regard des femmes, car certains hommes considèrent que les caractéristiques physiques seraient une source de jugements esthétiques instantanés essentiels permettant de sélectionner plus facilement leurs conjointes et faciliter leurs relations. Ensuite, nous avons voulu savoir si la façon dont les inpidus se perçoivent et jugent le physique des autres influencerait sur leurs relations et sur leur bien-être personnel. Concernant cette hypothèse, Guillaume Vallet indique, toujours, dans « Corps et socialisation » que le corps permet d’être classé socialement et d’être intégré ou exclu à des groupes de référence. On peut donc parler de déviance corporelle pour un inpidu qui ne respecte pas les règles de conformités sociales. Pour lui, le corps des femmes doit, dans nos sociétés, incarner la beauté, la sensibilité, la douceur. Tandis que pour le corps des hommes, il devrait incarner au contraire l’imaginaire de la force, de la puissance et de la performance. Ceux qui ne représentent pas ces incarnations pourraient-être stigmatisées et avoir plus de difficultés à avoir des relations sociales.
ÉCHANTILLON
Notre échantillon contient 110 réponses d’inpidus issus de pers milieux et d’âges très différents. Concernant l’âge, celui-ci varie entre 18 et 88 ans. Les répondants ont 34,4 ans en moyenne. À propos du sexe, notre échantillon est composé majoritairement de femmes représentant plus de 60% des réponses contre 26,36% d’hommes. Concernant les catégories socioprofessionnelles, celles-ci varient avec une dominance de Cadres et professions intellectuelles supérieures, d’Employés et de Sans emploi et Étudiants. Le fait qu’il y ai 1/4 d’étudiants s’explique par le fait que notre enquête a été partagée sur nos réseaux et re-partagés par nos proches. Ainsi, 40% de notre échantillon a entre 20 et 30 ans, dont la plupart sont étudiants. Ainsi, les données sur les catégories socioprofessionnelles et l’âge sont largement influencées par nos connaissances et ne sont pas représentatives de la population française. Pour autant, ces données sont variées, ce qui est un avantage pour notre analyse.
RÉSULTATS DE L'ANALYSE
L'INFLUENCE DES "JUGEMENTS" PHYSIQUES SUR LA PERCEPTION DES AUTRES ET LE BIEN-ÊTRE
Grâce aux réponses de nos répondants, nous avons pu étudier la façon dont les inpidus se perçoivent et jugent le physique des autres influencent leurs relations avec les autres et leur bien-être personnel. Pour savoir s' il y a effectivement un lien entre leurs perceptions du physique et leurs relations, nous avons étudié les liens de corrélation qui pourraient exister entre ces deux notions tels que le nombre d’amis ou encore leurs relations amoureuses. Nous nous sommes également penchés sur leurs relations avec eux-mêmes à travers des questions portant sur le bien-être corporel ou encore leur aisance avec autrui. Nous allons d’abord étudier la question sur le rapport qu’entretient l’inpidu avec son corps selon ses jugements pour ensuite analyser les relations qu’entretiennent les inpidus avec les autres selon leur jugement physique. Il est important de noter une différence de bien-être corporel importante selon le genre des inpidus. Le genre masculin se sent nettement mieux dans son corps que le genre féminin.Dans le questionnaire, nous demandons aux inpidus si, pour eux, il existe un idéal physique. La grande majorité (77%) ont répondu qu’il n’en existait pas. Cette majorité entretient- elle des rapports différents avec leur corps que ceux ayant répondu « oui » ?
En étudiant ce graphique, il semblerait que oui. En effet, les inpidus pensants qu’il existe un physique idéal se sentent mieux dans leur corps. Ils sont 61% contre 47% chez les inpidus pensants qu’il n’y a pas de physique idéal. Ainsi, il semble que les inpidus ayant des critères physiques idéaux se sentent mieux dans leur corps. Mais il faut quand même rester attentif au fait qu’ils se sentent aussi un plus mal dans leur corps (Nous nous sommes également demandé si l’attention portée à l’image de soi avait un lien corrélatif avec le fait de se sentir bien dans son corps (17% contre 12% d’inpidus ayant répondu « non »). Ces différences se retrouvent-elles dans l’attention que les inpidus portent sur leur image ?
Ici, nous pouvons voir que les personnes qui se sentent mal dans leur corps font davantage attention (29%) que ceux qui se sentent bien dans leur corps (2%). La différence est flagrante. Ils sont également presque deux fois plus nombreux à faire régulièrement attention (62% contre 36%). Il semble alors évident que l’attention portée à l’image de soi a un impact sur le bien-être corporel. On pourrait supposer que faire attention à son image aide à se sentir bien dans son corps. D’ailleurs, cela se confirme lorsque l’on étudie le lien entre le bien-être corporel et le fait de se comparer ou non aux autres.
On peut remarquer, ici, que les inpidus qui se sentent mal dans leurs corps sont très nombreux à se comparer aux autres (36%) que ceux qui se sentent moyen dans leurs corps (13%) et ceux qui se sentent bien dans leur corps (2%). Les résultats sont flagrants. Si l’on regroupe les données. 72% des inpidus qui se sentent mal dans leur corps se comparent toujours ou régulièrement aux autres contre 18% des inpidus qui se sentent bien dans leur corps. Ils sont donc quatre fois plus nombreux à se comparer. Il est donc évident que le rapport que les inpidus ont avec leurs corps influence leur comportement. Plus un inpidu ressent un mal-être corporel, plus il aura tendance à faire attention à son image et à se comparer aux autres. Ils vont même jusqu’à penser différemment de ceux qui se sentent bien corporellement comme on a pu le voir avec le premier graphique sur l’existence ou non d’un idéal physique. Mais qu’en est-il des rapports des inpidus avec les autres selon leur bien-être corporel ?
En mettant en lien la croyance en un idéal physique avec la situation amoureuse des inpidus, celle-ci n’a pas d’impact sur les relations conjugales. De même lorsque l’on croise les données avec des croyances en un idéal physique (ou non) avec la qualité des relations au travail. Effectivement, les taux sont extrêmement similaires.
En revanche, en ce qui concerne le nombre d’amis, ceux qui pensent qu’un idéal physique existe sont presque deux fois plus nombreux à avoir entre 10 et 15 amis (30% contre 16%) et inversement à avoir entre 5 et 10 amis (17% contre 32%). Il est donc possible qu’il y ait des différences dans les relations amicales selon la croyance d’un idéal physique. Mais nous ne pouvons l’affirmer face à un effectif réduit avec des résultats assez similaires dans l’ensemble. Ainsi, le jugement sur le physique, notamment la croyance d’un idéal n’a pas de réel impact sur les relations entre les inpidus. En revanche, le jugement que font les inpidus sur les autres influencent leurs comportements et même leurs avis sur les questions physiques.
L'INFLUENCE DES PRATIQUES D'ENTRETIEN SUR LA SATISFACTION DES RELATIONS
L’hypothèse suivante s’appuie sur deux dimensions descriptives : la première, nommée « Pratiques d’entretiens », vise à identifier les modalités d’investissement corporel des inpidus interrogés ; la seconde, intitulée « Relations sociales subjectives », cherche à saisir le degré de satisfaction des inpidus quant à leurs relations sociales, qu’elles soient professionnelles, amicales, amoureuses ou intrapersonnelles. L' hypothèse était la suivante : Les pratiques d’entretien qu’ont les inpidus ou non de leur corps influencent sur la satisfaction de leurs relations, notamment dans les sphères amicales et amoureuses. Les résultats de notre enquête montrent tout d’abord qu’une pratique sportive importante et régulière favorise le nombre de relations amicales.
En effet, nous observons que 53% des personnes qui pratiquent souvent une activité sportive ont plus de 10 ami.e.s, alors que seulement 33% des personnes qui ne font jamais de sport ont plus de 10 ami.e.s. De plus, parmi ces personnes qui ne font jamais de sport, 48% d’entre elles ont entre 1 et 5 ami.e.s. À l’inverse, celles qui pratiquent souvent une activité sportive ne sont que 21 % à n’avoir qu’entre 1 et 5 ami.e.s. Ces résultats tendent à confirmer notre première hypothèse, puisqu’ils mettent en évidence un lien entre la pratique sportive et le nombre de relations amicales. De fait, avoir une pratique sportive augmenterait le nombre de relations amicales, car cela permettrait de se sentir mieux dans son corps et donc d'être plus à l'aise en société vis-à-vis de l'image que l'on enverrait aux autres.
D'ailleurs, si on analyses les différences de sexe selon la fréquence d'une pratique sportive on remarque qu'il y a plus d'hommes que de femmes qui font souvent du sport. En regardant les tableaux, on constate qu'il y a près de 60% des hommes qui font souvent du sport tandis que seulement 38% des femmes en font souvent.
Si on ajoute à ça, les moyennes d'âge selon la fréquence d'une pratique sportive, on constate que plus les personnes sont jeunes, plus elles font du sport. En moyenne, ceux qui font du sport tous les jours ont 27,2 ans, ceux qui en font régulièrement ont 31 ans et ceux qui n'en font jamais ont 39,3 ans. On remarque donc que ce sont les jeunes hommes qui font le plus de sport. De plus, cela pourrait être mis en lien avec la thèse de Guillaume Vallet, citée plus haut , qui expliquait que les jeunes hommes « surinvestisseraient » leurs corps afin d'avoir des signes extérieurs de virilités, pour attirer le regard féminin car ils considéreraient que les caractéristiques physiques seraient une source de jugements esthétiques, ce qui faciliteraient leurs relations. D'ailleurs 28% des hommes pensent qu'un physique idéal existe contre 23% chez les femmes. Il n'y a certes qu'une légère différence, mais cela confirme malgré tout cet investissement qu'ont les hommes dans le sport et montre bien qu'il y a plus d'hommes que de femmes qui accorderaient de l'importance au physique.
Concernant les relations amoureuses, on remarque tout d'abord, grâce aux questions sur l'utilisation des applications de rencontres, que plus l'on fait du sport, moins on utilisera ces applications.
En effet, il y a davantage de personnes qui font souvent du sport et qui n'utilisent jamais d'applications de rencontres alors qu'il y en a moins chez ceux qui n'en font jamais (43% chez ceux qui font souvent du sport contre 33% chez ceux qui ne font jamais de sport). De plus, parmi ceux qui font souvent du sport, seulement 29% utilisent souvent une application de rencontre contre 44% chez ceux qui ne font jamais de sport. D'ailleurs, chez les personnes qui font souvent du sport, on voit qu'ils sont 19% à avoir souvent des rencontres amoureuses, alors que ceux qui ne font jamais de sport sont 0% à avoir souvent des rencontres amoureuses.
On pourrait expliquer cela, par le fait que lorsque l'on n'a pas de pratiques sportives, on a peut-être plus besoin d'utiliser les applications de rencontres pour rencontrer des gens, et donc moins de facilité à les rencontrer hors applications de rencontres. Là où les personnes qui font du sport souvent ou régulièrement, utilisent moins ou pas du tout les applications de rencontres, car ils n'en ressentent pas forcément le besoin. Ils ont donc de ce fait, plus de facilité à les rencontrer dans la vie de tous les jours car, grâce à un corps entretenu, ont plus de confiance en eux et sont plus à l'aise en société. On peut également rajouter qu'avoir une pratique sportive augmenterait l'importance de l'attirance physique dans les relations.
En effet, on constate dans ce tableau qu'il y a une tendance à la baisse de l'importance du physique dans les relations lorsque l'on fait moins de sport. En effet, on remarque que ceux qui font du sport tous les jours accordent en moyenne 3,6/5 point à l'importance du physique alors que ceux qui ne font du sport qu'une fois par semaine accordent en moyenne 2,6/5 point à l'importance du physique. Cela peut s'expliquer par le fait que lorsque les inpidus font du sport très régulièrement et qu'ils entretiennent fortement leurs corps, ils vont être plus regardants et sélectifs vis-à-vis du corps de l'autre. Ils s'attarderont plus sur le physique et choisiront plus facilement d'avoir une relation avec quelqu'un qui a un corps qu'ils considèrent comme attirant, plutôt que par rapport à d'autres critères. Par rapport à la sphère professionnelle, les résultats ne confirment pas significativement notre hypothèse.
Mais parmi les personnes qui ont de bonnes relations au travail, on remarque tout de même que 44% d'entre eux ont souvent une activité sportive , contre 32% chez ceux qui n'ont pas de bonnes relations. De plus, on peut également rajouter que les personnes qui ont de bonnes relations au travail sont 19% à ne jamais faire de sport contre 24% chez ceux qui n'ont pas de bonnes relations au travail. Certes, il n'y a pas de résultats très significatifs mais on remarque malgré tout une influence des pratiques sportives sur les relations professionnelles. Grâce à notre enquête, nous avons pu, en partie, confirmer notre première hypothèse. En effet, les pratiques d'entretiens ont tendance à influencer la satisfaction et le nombre de relations, qu'elles soient amicales, professionnelles ou amoureuses. Cette pratique faciliterait le nombre de relations amoureuses, sans que les personnes aient besoin de passer par une application de rencontre. Cette pratique augmenterait également le nombre d'ami.e.s, car elle permettrait de se sentir plus à l'aise en société et donc plus apte à sympathiser et établir des relations cordiales et sociales. Enfin, elle aurait légèrement tendance à améliorer les relations professionnelles, puisqu'elle permettrait au sportif de se sentir plus confiant et détendu sur leur lieu de travail et moins susceptible d'avoir des conflits et d'autres problèmes dans leur profession. Cependant, il n' y a eu que le sport, dans notre enquête, qui a réellement montré une influence. Les pratiques d'entretiens comme les tatouages, le maquillage ou encore les piercings, n'ont pas pu permettre de confirmer cette hypothèse car les résultats n'étaient pas significatifs et inutilisables dans notre enquête.
CONCLUSION
Ainsi, le jugement sur le physique, notamment la croyance d’un idéal n’a pas de réel impact sur les relations entre les inpidus. En revanche, le jugement que font les inpidus sur les autres influencent leurs comportements et même leurs avis sur les questions physiques. Les pratiques d’entretien ont tendance à influencer les relations qu’elles soient amicales, amoureuses ou professionnelles. Concernant les limites de notre enquête, nous avons eu un questionnaire trop long et compliqué à programmer. Nous avons donc eu des questions qui n’ont pas fonctionné sur le site du questionnaire et nous avons eu des réponses qui n’ont pas pu être exploité durant notre analyse.BIBLIOGRAPHIE
- Anastasia Meidani, « Les fabriques du corps », Toulouse : Presses universitaires du Midi, (2008)
- Aline Vantz « Le corps comme objet de socialisation ». Université de Rennes, 2015
- David Le Breton, « La sociologie du corps ». Presses Universitaires de France, 2018
- Guillaume Vallet, « Corps et socialisation ». Idées économiques et sociales, 2009
- Pierre Bourdieu, « La distinction », Les éditions de minuit, France, 1979